À Ses Tout Début
On se téléphone. Quand elle m'a appelée mardi dernier, j'ai tout de suite compris que quelque chose n'allait pas. Elle m'a annoncé qu'elle ne viendrait pas pour Noël. Tous les ans, la famille se réunit chez moi. C'est la tradition. Mais avec mon gendre qui vient de se faire opérer et ma petite-fille qui est enceinte et qui doit éviter les longs trajets, cette année, tout est compliqué. Alors je lui ai dit: – Et si c'est moi qui venais? La pauvre est restée sans voix avant de répondre: – Mais maman, papa et toi avez toujours refusé de voyager. – Eh bien, il y a un début à tout! J'ai passé les minutes suivantes à la rassurer, lui disant que je me débrouillerais et me voici donc en route pour mon premier périple. Paris représente pour moi une escapade lointaine. Je n'y suis jamais allée. Je n'ai jamais pris le train. Je ressens de l'appréhension mêlée à de l'excitation. Le bonheur.
Y A Un Début À Tout
Sinon, tout est permis. Le plus simple serait d'écrire «Ça a débuté comme ça», mais Céline est déjà passé par là: c'est l'introduction du Voyage au bout de la nuit. On pourrait faire l'inverse, par exemple «Oh, oui, me dis-je, bientôt tout sera terminé», mais Céline encore (Nord). Une option reste ouverte, à saisir vite: «Nous étions pile au milieu de cette pénible affaire. » Il n'est pas nécessaire de faire follement original. S'en tenir aux faits suffit bien: «Au commencement Dieu créa le ciel et la Terre», annonce d'emblée le Livre de la Genèse avec une belle économie de moyens. Cela permettra à Jean Echenoz, un paquet de milliers d'années plus tard, de débuter son Nous trois par un logique «Je connais bien le ciel. Je m'y suis habitué. » William Gibson pourra ajouter une touche de technologie en attaquant Neuromancer par «The sky above the port was the color of television, tuned to a dead channel». Parfois, l'auteur s'empresse d'accueillir gentiment son lecteur. «Soyez les bienvenus dans la vie éternelle, mes amis» est l'amorce d'un ouvrage de la rentrée dont le premier tirage a décimé la moitié de la forêt finlandaise.
Un Début À Tout Pour
Cette prévenance est suspecte. Un narrateur honnête n'est jamais sûr de rien: «Aujourd'hui, Maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas» (Camus, l'Etranger). Ou bien il avertit que ça ne va pas être simple: «Ma vie ne ressemble pas à ma vie» (Emmanuel Berl, Sylvia). Ce flou est fort embêtant. Nous réclamons des explications, car la chose pourrait bien nous intéresser. D'où l'importance de la deuxième phrase, et souvent même de la troisième. Chez Berl, par exemple, cela donne... Un: «Ma vie ne ressemble pas à ma vie. » Deux: «Elle ne lui a jamais ressemblé. » Trois: «Mais ce décalage entre moi et moi je le supportais assez bien, je le supporte de plus en plus mal. » On en reprendra volontiers une quatrième.
B. ceci n'est pas une déclaration d'amour!! !