Ode À L Automne
Ode À L'automne
Entre les pauvres ramures je t'ai vue Désespérant ta prochaine venue. Tu ne savais pour autant trop tarder Entre ces voûtes de branches bordées Où, reine, pâle nature t'a élue. Me laisserais-tu donc te contempler Dans ta fière allure et d'or couronnée Par le soleil humble? Que de murmures Suscités à l'ombre des dernières mûres; Le secret de ton temple renversé. Muse, que mes mains tremblent d'enfin te saisir! Mais voilà que tu t'enfuis avec rires Entre les arbres que le vent charrie. Ces géants dans leurs allures d'Emirs Comme des murs contre moi se rallient. Tu te joues de moi sans demi-mesure Appelant toutes forces à leur usure. Ton règne n'est désormais plus que ruines, Les astres se couvrant d'un mauvais signe. Dans ta fuite, tes pas ne sont plus si sûrs. Automne, prends garde à ton souffle qui se meurt! Misérable esprit, sans Lui, tu te leurres! Ecoute la voix de ton Créateur Qui pour toi ne cherche que le meilleur. Ecoute-le, je te prie, avant l'heure. Terrible muse! De mon art tu abuses, Du pieux travail de mes mains tu m'accuses.
Ode À L Automne À Paris
* Ici repose celui dont le nom était écrit dans l'eau. (Épitaphe gravée sur la tombe de John Keats, conformément à son désir, et telle qu'il l'a lui-même composée. ) "John Keats fut le poète de l'effacement, l'amoureux de l'obscur. Celui d'une étrange alchimie entre une douce mélancolie et l'attrait de la douce mort. Il fut aussi un poète profondément épris d'éthique et de morale, d'affects romantiques et de visions transcendantes. [... ] Comme tout poète lyrique anglais romantique, il aura aimé célébrer la solitude, et la nuit, la nature immuable, le sommeil et le pays d'or à jamais perdu de la Grèce, ses dieux et ses titans ombrageux, ses amants de la Lune et ses légendes. Pourtant sa voix, longtemps méconnue de son vivant, est unique et singulière, admirée presque à l'égal de Shakespeare. Il reste celui que l'on aime tendrement, tant il semble fragile et évanescent, une sorte de frère cadet en poésie. ] Ses vers semblent s'évaporer et il nous parle souvent entre rêverie et effacement.
Qui ne t'a vue maintes fois parmi tes trésors? Parfois celui qui va te chercher te découvre Nonchalamment assise sur l'aire d'une grange, Les cheveux soulevés en caresse par le souffle du vannage, Ou profondément endormie sur un sillon à demi moissonné, Assoupie aux vapeurs des pavots, tandis que ta faucille Épargne l'andin suivant et toutes les fleurs entrelacées; Quelquefois, telle une glaneuse, tu portes droite Ta tête chargée de gerbes en passant un ruisseau, Ou encore, près d'un pressoir à cidre, tes yeux patients Regardent suinter les dernières gouttes pendant des heures et des heures. Où sont les chants du printemps? Oui, où sont-ils? N'y pense plus, tu as aussi tes harmonies: Pendant que de longues nuées fleurissent le jour qui mollement se meurt, Et nuancent d'une teinte vermeille les chaumes de la plaine, Alors, en un chœur plaintif, les frêles éphémères se lamentent Parmi les saules de la rivière, soulevés Ou retombant, selon que le vent léger s'anime ou meurt; Et les agneaux déjà grands bêlent à pleine voix là-bas sur les collines; Les grillons des haies chantent; et voici qu'en notes hautes et douces Le rouge-gorge siffle dans un jardin Et que les hirondelles qui s'assemblent trissent dans les cieux.